La méditation, le non outil de la présence
« Les outils de la pleine conscience », « l’outil de la méditation » … C’est intéressant cette instrumentalisation. Entre nous, pour acheter et utiliser des outils, rendons-nous plutôt dans un magasin de bricolage, ça sera plus rapide et plus efficace. C’est ainsi que le mode « faire » ne se laisse pas faire. En effet, il faudrait effectuer un développement personnel, il existerait une meilleure version de soi-même, il serait important de prendre soin de soi avant tout, il s’agirait d’accéder à une certaine richesse intérieure … « Acheter », « utiliser », « bricoler », « développer », « accéder », tout cela autour de son nombril, voilà bien des projets et des actions dont il est difficile de se défaire. Car il nous est vraiment difficile de s’alléger, plutôt que de s’en rajouter. Il nous est vraiment difficile d’être pleinement tel que nous sommes déjà, plutôt que de vouloir faire mieux. Il nous est vraiment difficile d’être juste tel quel, ni plus ni moins. S’accueillir ainsi dénudé et débarrassé de toute attente, paraît probablement beaucoup moins sexy que les habits du développement personnel, que les thérapies approximatives à force d’intégrations diverses et variées, ou encore que les pseudo-spiritualités à base d’énergies universelles.
Et si la pleine présence émergeait du non faire, juste être et aimer tous les êtres. Et si la méditation était son non outil ?
« Ne réfléchis pas, Ne conçois pas, Ne pense pas, Ne médite pas, N’analyse pas, Demeure tel quel », Les six dharmas de Tilopa.
La pleine présence se dévoile lorsque toute velléité de faire s’est enfin dissoute dans l’acceptation inconditionnelle d’être tel quel. La présence aimante se révèle lorsque cette acceptation inconditionnelle s’offre authentiquement à tous les êtres tels qu’il sont. Alors, en dehors de toute volonté de changer quoi que ce soit, alors tout change. Non pas en changeant l’objet de l’expérience avec un outil, mais en pratiquant la présence et la bienveillance aimante au sein de la relation à l’objet de l’expérience avec le non outil de la méditation. En relation équanime entre tous les objets et avec tous les êtres, ceux-ci dont notre propre individualité, s’effacent et disparaissent parfois, en un chaleureux espace inter-être, silencieux et immuable, calme et infini.
Point d’outil, ni de technique, ce qui supposerait un résultat définitif et permanent que nous souhaiterions. Et bien non, nous ne voulons rien de spécial, il n’existe pas de début ni de fin, et tout est à pratiquer de nouveau à chaque instant, dans l’impermanence et l’imprévisibilité, avec courage et humilité. Point d’outil, ni de technique, plutôt désapprendre, déconceptualiser et déconstruire, tout effacer, dans le bain de la présence aimante et compassionnée.
Quant à ces fameux outils de la pleine conscience, contentons-nous d’être en relation tendre et paisible avec nos penchants avides et exigeants, d’ouvrir son coeur et ses mains, plutôt que de saisir un quelconque instrument et de fermer tous les possibles.
« Par méditation j’entends simplement l’intuition de l’être, ou si on préfère la prise de conscience du réel tel qu’il est, autrement dit la contemplation de la Vie ou de la Conscience par elle-même. Nous pouvons tout faire en méditant. Méditer, c’est simplement percevoir les choses telles qu’elles sont, c’est à dire vivantes, parfaites, divines ou encore naturelles. C’est comprendre et agir d’une manière adéquate : sans faire de projection, d’interprétation ou d’analyse. C’est simplement être soi : un avec tout », Le bonheur avec Spinoza, Bruno Giuliani.
©Dr Frédéric Féral, publié online change-et-sois.org le 15 août 2022.
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